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Hygiène-beauté : quand le marché français se réinvente

Isabelle

Le marché français de l’hygiène-beauté traverse une période de profondes mutations. Face aux nouvelles attentes des consommateurs, les marques innovent pour répondre à des exigences croissantes en termes de naturalité, durabilité et efficacité. En 2024, la beauté et les soins personnels en France ont atteint des sommets avec une valeur estimée à 11,45 milliards de dollars et devraient connaître une croissance annuelle de 1,39% jusqu’en 2029, portée par une demande accrue pour des produits naturels et éco-responsables.


I. L’écosystème du marché de l’hygiène-beauté, en pleine évolution


  1. Un marché en transformation


Depuis la pandémie, une tendance majeure bouleverse le marché : le « less is more ». En 2022, par rapport à 2019, la consommation hebdomadaire de produits de maquillage avait chuté de 28 %, avec une baisse de 40 % pour le rouge à lèvres (Kantar).

Cette simplification des gestes beauté est illustrée par la montée du « no make-up », une tendance adoptée par 56 % des femmes, particulièrement chez les 18-34 ans (64 %). La crise sanitaire, combinée à la normalisation du télétravail, a encouragé les consommateurs à s’accepter davantage au naturel.

Environ 30 % des femmes déclarent qu’elles s’assument mieux sans maquillage qu’avant la pandémie. Les hommes ne sont pas en reste : ils adoptent également des routines simplifiées, comme en témoigne la baisse du rasage régulier. Les gestes d’hygiène-beauté sont ainsi passés de 51,4 occasions par semaine et par personne en 2013 à 43,5 en 2022.


@Pixabay
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Et même si la consommation de produits de beauté a de nouveau augmenté lorsque la vie a repris son cours normal, l’approche de ce marché a changé en profondeur, et les habitudes de consommation ont évolué de manière durable : les consommateurs se tournent davantage vers les soins à domicile et intègrent leurs routines beauté dans une démarche globale de bien-être incluant l’alimentation et le sport. Cette tendance reflète un désir de prendre soin de soi de manière holistique, avec 72 % des Françaises considérant leur routine beauté comme un élément clé de leur bien-être général, selon une étude conjointe de Beautéprivée et NellyRodi.


Les consommateurs veulent également plus de connaissances, de transparence et préfèrent utiliser des produits plus naturels (la composition des produits est en effet importante pour 36% des répondants) et inclusifs (des produits adaptés à tous types de peau…). Les produits tout-en-un sont souvent privilégiés par les consommateurs, car ils permettent à la fois de gagner du temps et de limiter la multiplication des produits.


« En 2025, la beauté mettra de plus en plus l’accent sur le confort et le bien-être émotionnel. Les ingrédients, les textures et les produits évoqueront des temps plus simples, en mettant l’accent sur des expériences sensorielles qui apaisent et nourrissent », explique Mintel.

Paradoxalement, en dépit de cette recherche de naturel et de simplicité, le marché de la beauty tech (l’alliance entre la beauté et les technologies de pointe) connaît aussi une forte expansion, avec un taux de croissance annuel de 9,47% pour atteindre 7,45 milliards de dollars en 2029. La beauty tech s'est d'ailleurs distinguée lors du dernier CES de Las Vegas, lors duquel L’Oréal a présenté le Cell BioPrint, un dispositif électronique pour l’analyse approfondie de la peau. Co-développé avec la startup sud-coréenne NanoEnTek, cet appareil réalise une analyse de l’âge de la peau et sa réactivité à des ingrédients clés en 5 min, afin de donner des conseils personnalisés pour ralentir l’apparition des signes de vieillissement.


@La Revue du Digital
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Avec la démocratisation des technologies autrefois autrefois coûteuses, les grands groupes se montrent aussi particulièrement friands d'innovations beauty tech dans les soins personnels (de l’hygiène dentaire au rasage), et ont déjà annoncé des produits révolutionnaires à l'effet "waouh" pour 2025. Si la distribution spécialisée reste le choix privilégié des consommateurs, la grande distribution commence elle aussi à investir ces segments.




  1. Les effets de l’inflation sur le marché


L’inflation reste un défi majeur, impactant directement les comportements d’achat. Les Français dépensent en moyenne 35 € par mois pour leur routine beauté, contre 43 € avant la pandémie, marquant une baisse de presque 19%. Les jeunes adultes (18-34 ans) consacrent un budget légèrement supérieur à la moyenne, à savoir 37 € depuis la pandémie, contre 46 € auparavant.


Cette situation a entraîné une montée en puissance des marques de distributeurs, réputées 54 % moins chères que les marques nationales. En parallèle, les hard-discounters enregistrent des gains significatifs : en 2022, ces dernières représentaient 5,9 % des volumes en hygiène-beauté, contre seulement 3,3 % en 2020. Désormais, 25 % des Français achètent en solderie au moins une fois par an, surpassant les circuits online généralistes (22,4 %).


Malgré cette tendance à la réduction des dépenses, les circuits premium comme les parfumeries, les boutiques en propre regagnent progressivement des parts de marché : les parfumeries ont gagné 0,4 points les boutiques en propre 0,5 point en 2022. De même, l'IADS et NellyRodi rapportent que la part des cosmétiques dans le chiffre d’affaires des grands magasins est passée de 9 % à 10 % entre 2022 et 2023. Cette dynamique s’appuie sur des innovations, des expériences client enrichies (par exemple dans les grands magasins, les segmentations traditionnelles par genre sont progressivement remplacées par des espaces unisexes et holistiques) et la valorisation des produits haut de gamme.


Face à cette situation, exacerbée par l’application de la loi Descrozaille en mars 2023 qui met fin aux grosses promotions dont dépendaient beaucoup les marques d’hygiène-beauté, la grande distribution doit se réinventer pour séduire à nouveau les consommateurs. Pour regagner des parts de marché, cette dernière pourrait s’inspirer des stratégies du luxe, qui mise sur la personnalisation et l’expérience client. Renforcer la valorisation des produits, notamment dans la catégorie premium, tout en proposant des innovations attractives pourrait en effet être une voie prometteuse.


  1. Le rôle croissant du digital


Le digital joue aussi un rôle clé dans cette transformation. En 2021, 53 % des Français avaient acheté des produits de beauté et de santé en ligne, faisant de cette catégorie la deuxième plus populaire après les vêtements et accessoires de mode (76 %).


Des initiatives stratégiques renforcent cette digitalisation. Par exemple, Yves Rocher a lancé sa première marketplace en septembre 2024, intégrant une dizaine de marques partenaires pour un total de 300 produits. Cette plateforme vise à doubler la part du digital dans le chiffre d’affaires de la marque d’ici trois ans, qui est actuellement de 10 %. Les produits partenaires bénéficient d’un trafic important, avec 50 millions de pages vues par an sur le site.



II. Zoom sur les différentes catégories du marché


  1. Skin care : Les soins de la peau


Un pilier du marché hygiène-beauté…

Les soins de la peau demeurent une catégorie essentielle et dominante dans l’hygiène-beauté. Malgré des défis économiques, leur importance repose sur une offre variée et innovante qui séduit des consommateurs. Selon Statista, cette catégorie devrait en effet enregistrer un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 4,5 % entre 2024 et 2029.


…Mais qui fait face à des défis et mutations en grande distribution

Le marché des soins de la peau en GMS subit un repli, amplifié par l’inflation et la raréfaction des promotions. En 2024, les ventes ont chuté, avec une baisse notable dans les soins bio (-14,5 % en valeur et -19,9 % en volume). Par ailleurs, les circuits discount comme Action et Normal gagnent en attractivité, concurrençant les enseignes traditionnelles.

Les soins spécifiques, en particulier les sérums, enregistrent une forte croissance en grandes surfaces alimentaires, avec une hausse de +16,3 % en valeur et +15,3 % en volume. Cette tendance reflète l'intérêt croissant des consommateurs pour des produits experts, même au sein de la grande distribution. Pour revitaliser ce canal, l'innovation et la premiumisation des produits de skin care apparaissent donc comme des leviers essentiels.


  1. Body care : Les produits d’hygiène corporel


Une intégration au bien-être global…

Comme nous l’avons vu, le marché des soins corporels en France s’inscrit dans une dynamique de bien-être global, où prendre soin de son corps est perçu comme une composante essentielle d’une vie équilibrée et harmonieuse. Avec un taux de croissance annuel composé (TCAC) attendu de 2,7 % pour la période 2024-2029, ce segment continue de se développer, porté par l'évolution des attentes des consommateurs vers des produits à la fois efficaces, naturels et respectueux de l'environnement.


…Et une tendances à la naturalité et durabilité

La demande pour des produits plus respectueux de la peau et de l’environnement s’accroît. Les savons solides, par exemple, connaissent un regain d’intérêt grâce à leur impact environnemental réduit et leur composition souvent plus naturelle. De même, les gels douche formulés sans sulfate ni parabènes gagnent en popularité, tout comme les déodorants naturels exempts de sels d’aluminium. Les solutions pratiques et économiques, comme des savons ou gels douche « 2 en 1 », sont aussi appréciés, particulièrement dans les segments masculin et familial.


  1. Hair care : Les soins capillaires


Un marché en croissance modérée…

Les soins capillaires restent un pilier important du secteur de l’hygiène-beauté, avec un TCAC estimé à 1,82% de 2023 à 2033, mais ce marché doit s’adapter à des attentes en constante évolution.

En 2024, le marché des soins capillaires en GMS a connu une année 2024 en demi-teinte, avec un recul global des volumes et un chiffre d’affaires en léger repli de -0,6 % (source : NielsenIQ, origine fabricants). Ce contexte s’explique notamment par des promotions massives début 2024, suivies d’un effet de stockage qui a pesé sur les ventes ultérieures. À cela s’ajoute une diminution de la consommation depuis plusieurs années, les Français lavant désormais leurs cheveux en moyenne 2,8 fois par semaine, soit une baisse de près de 10 % en cinq ans.

Les circuits alternatifs comme les pharmacies et les discounters enregistrent cependant de meilleures performances, notamment grâce à des initiatives en merchandising, telles que celles de L’Oréal ou Garnier, qui redynamisent l’expérience en magasin.


…qui suit les grandes tendances de la beauté

Tout comme les autres catégories de ce marché, les soins capillaires évoluent sous l'impulsion de plusieurs grandes tendances. La naturalité et l’écoresponsabilité dominent, avec des produits bio et solides mettant en avant des ingrédients comme l’aloe vera ou l’huile de ricin. Les produits qui performent le mieux sont les alternatives perçues comme plus abordables, comme Le Petit Olivier (+15,4 % en vente en valeur en 2024) et Lovea (+28,4 %), qui combinent image naturelle et prix compétitifs.

Ensuite, il y a la personnalisation qui répond aux attentes variées des consommateurs grâce à des diagnostics permettant des formulations sur mesure. En parallèle, la simplicité des routines gagne du terrain, avec des produits multi-usages tels que les co-wash. Les cheveux texturés, longtemps négligés, bénéficient désormais de gammes spécialisées adaptées à leurs besoins spécifiques. Enfin, l'innovation technologique enrichit l’offre, avec des soins intégrant des probiotiques ou des actifs anti-pollution, tout en misant sur des textures et parfums raffinés pour une expérience sensorielle unique.


  1. Oral care : L’hygiène bucco-dentaire


Une catégorie en pleine croissance…

Le marché bucco-dentaire affiche une croissance notable en France, surtout en GMS où, malgré l’entrée en vigueur de la loi Descrozaille, on a pu observé une augmentation de +6,2 %, pour un chiffre d’affaires atteignant 1,05 milliard d’euros, en cumul sur janvier-avril 2024 (Circana, CAM au 28 avril 2024, tous circuits GMS). Face à la GMS, les spécialistes sont eux en recul, selon une étude de Kantar Worldpanel de 2024.

Le marché est porté par les segments les plus valorisés des dentifrices (thérapeutiques, références blancheur, généralistes et enfant), tandis que la catégorie des brosses à dents est plus en difficulté. En effet, même si le chiffre d’affaires progresse, les ventes en unités diminuent de 1,7% pour les classiques et -10,5% pour les électriques.


…Et orientée par l’innovation

Dans un contexte où les consommateurs doivent faire des choix et privilégient les produits qui répondent à des besoins spécifiques, l’innovation joue un rôle essentiel. Pour répondre à cette demande, les industriels multiplient les initiatives en proposant des formats novateurs, comme le dentifrice à croquer, des formulations techniques visant, par exemple, à améliorer la blancheur des dents, ou encore des solutions thérapeutiques adaptées, notamment pour les dents sensibles. Ainsi, le dernier classement de Circana révèle la présence de quatre marques dentaires dans le Top 10 des innovations en hygiène-beauté pour le premier semestre 2024, avec Procter & Gamble en tête grâce à son Oral-B Pro-Science Advanced et Colgate-Palmolive en 3e grâce à son dentifrice Protection Complète Elmex.



@LSA
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Conclusion

Le marché de l’hygiène-beauté en France en 2024 est marqué par une dynamique positive, portée par des innovations en phase avec les attentes des consommateurs. Qu’il s’agisse de d’hygiène bucco-dentaire, de soins corporels, capillaires ou de la peau, les marques s’adaptent aux tendances de naturalité, de durabilité et de digitalisation, tout en naviguant dans un contexte économique complexe.

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