Plurimillénaire, le vin séduit de plus en plus de consommateurs à travers le monde. Indéniablement, c’est un produit que l’on ressent, que l’on éprouve, il est porteur d’émotions. Le vin est intimement lié au sensoriel, et ce faisant, sujet à un dualisme en apparence irréconciliable entre subjectivité et objectivité.
D’un côté, le vin serait une affaire de sensations, de goût personnel - on ne discute pas les goûts et les couleurs, un produit à part, aux nombreuses possibilités d’interprétation. De l’autre, le vin serait objectivable, comme le montrent les démarches des nombreux guides, panels et concours de récompenses, censés servir de GPS aux consommateurs.
Comment objectiver la jungle du vin afin d’offrir des repères concrets et pertinents à ses millions d’amateurs ? Comment avancer vers une objectivation au service des consommateurs ?
Un produit unique aux goûts pluriels
La dégustation de vin fait appel au goût, à l’odorat ainsi qu’à la vue. Or, chacun reçoit et surtout interprète les stimuli sensoriels différemment. Cela laisse donc place à une forte dose de subjectivité.
Les experts du vin ont composé un lexique et adopté certaines formes de langage communs afin d’en parler. Pour une majorité de consommateurs, il s’agit tout bonnement de jargon. Un jargon qui oscille entre termes poétiques et techniques - astringence, empyreumatique, minéralité…, souvent peu accessibles à la majorité des consommateurs. Ces derniers ont le sentiment d’être face à une langue étrangère, ce qui accentue le sentiment de malaise qu’ils éprouvent face à la complexité du vin.
Malgré son statut de « Pays du vin », la France et les Français demeurent majoritairement néophytes, et sont donc très souvent à la recherche de conseils. Les connaisseurs ne représentent qu’environ 3% des consommateurs.
Sur les terrains d’achat, les consommateurs font surtout appel à des professionnels pour les aider à mieux choisir. Ils donnent ainsi souvent carte blanche aux cavistes et sommeliers, ou autres professionnels du vin qui maîtrisent connaissances et langage du vin. Sont-ils plus objectifs que les consommateurs ? Certainement. Avec néanmoins un biais non négligeable : plus le nombre de références disponibles grandit, plus un humain aura du mal à prendre en compte l’intégralité des possibilités. Souvent un caviste ou un sommelier a d’ailleurs ses coups de coeur, ses choix du moment. De plus, quand un professionnel utilise ce jargon du vin, ses propos peuvent être interprétés différemment selon les consommateurs. Demandez donc à un sommelier, puis à des consommateurs de définir un vin doux !
Que reste-t-il alors aux consommateurs pour avoir des conseils objectifs ?
Une objectivation sous forme de labels d’autorité
Les guides comme La Revue du Vin de France, Robert Parker, Hachette, Gault & Millau, Bettane & Desseauve, etc. ont pour but de goûter, de noter et de récompenser tous les ans les nouvelles cuvées, afin que les consommateurs puissent trouver plus facilement leur bonheur. Leur force d’objectivité vient d’une notation méthodique des vins, et de la capacité à diminuer « l’effet d’attente » et « l’effet de contraste ». Néanmoins, il y a des limites.
D’une part, d’un guide à l’autre, les avis sur une même cuvée peuvent diverger fortement. Vous avez-dit subjectivité de jugement ? Dans tous les cas, cela ne rend pas service aux consommateurs en perte de repères.
Pire, un guide peut avoir un impact durable sur la manière de produire du vin et sur la standardisation d’un goût. L’illustre Robert Parker, connu pour noter les vins sur 100, donnait rarement de bonnes notes aux Bordeaux lorsque le profil boisé d’un vin ne ressortait pas assez. Soucieux de leur note et de l’importance grandissante du guide, certains domaines n’ont pas hésité à modifier leur manière de vinifier (davantage de barriques neuves, vieillissement prolongé en fûts...). Pour plaire à la subjectivité d’un seul homme et accéder au graal d’une bonne note, le vignoble bordelais a succombé au piège. Une démarche dangereuse, dont sont depuis revenus de nombreux domaines.
Une autre manière d’aiguiller les consommateurs ? Les médailles décernées lors de concours comme les CGA, IWSC, Concours des vins des Mâcon ou encore Vinalies Internationales. Les jurys sont composés de professionnels (vignerons, cavistes, etc.) et de particuliers, néophytes ou connaisseurs. Cette diversité est un principe essentiel sur lequel s’appuient les concours. Elle est gage d’une relative objectivité car pour certains et de manière statistique “une somme de subjectivité est un début d’objectivité”. Cependant, là aussi, il peut y avoir quelques dérives.
En effet, l’envers de ces concours n’est pas toujours glorieux. On trouve ainsi aisément, sur le podium d’une même appellation ou sélection, plusieurs bouteilles en or, en argent ou en bronze. En effet, les jurys sont fortement incités à décerner un maximum de médailles, la longévité et la visibilité du concours en dépendent ! Surtout avec la multiplication des canaux de récompense.
Peut-on dès lors objectiver en faisant appel à… l’intelligence artificielle ? L'intelligence artificielle offre des perspectives prometteuses pour apporter plus d'objectivité au monde subjectif du vin. En exploitant d'énormes quantités de données ainsi que des algorithmes et modèles mathématiques avancés, l'IA peut aider les consommateurs à faire des choix plus éclairés, reproduisant essentiellement le rôle d'un conseiller en vin, mais de manière plus objective et cohérente.
Grâce à sa capacité à analyser des ensembles de données complexes et à identifier des schémas invisibles aux sens humains, l'IA est un outil précieux pour l'industrie du vin. Elle peut fournir des recommandations personnalisées en fonction des préférences individuelles, proposer des accords mets-vins, et bien plus encore. En simplifiant ainsi le processus de sélection des vins, l'IA le rend plus accessible pour le consommateur.
Vers une objectivation plus transparente ?
On le voit, objectiver totalement un produit comme le vin relève du domaine de l’impossible. Il faut néanmoins croire et avancer vers une objectivation plus transparente. Certaines startups se sont lancées dans cette démarche de conseil objectif et de qualité, précis mais sans jargon.
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